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un poème pour la journée - Page 2

  • Un poème pour la journée. L’Albatros de Charles Baudelaire.


    Voilà aussi un poème qui compte. C’est à l’école qu’on l’a lu pour la première fois, à une époque chagrine qui a fait résonner ces vers de Baudelaire. Il évoque le poète à travers cet albatros mais quiconque se sent incompris et mal à l’aise dans son monde peut s’identifier à l’oiseau. Grâce à ce poème, si on savait déjà que le monde pouvait être cruel, on a appris que la poésie permet de le dire et de ne pas garder en soi ses douleurs.
    Et aussi, mais ça c’est bien longtemps après qu’on l’a compris, que là où on est, quand on est empêtré par « des avirons » à traîner, qu’il suffit d’arriver à les prendre pour se relever, marcher pour certains, voler pour d’autres, laissant derrière soi ces « hommes d’équipage ».
    Qui n’en a pas connu, de ces « hommes d’équipage », ces groupes de gens qui font bloc, qui prennent tant de plaisir à ricaner et à se moquer de la faiblesse d’autrui… Ils sont si violents, si méchants, ils semblent si forts et si certains de nous couper les ailes ! Mais n’est-ce pas qu’ils sont envieux de cette belle proie à laquelle, en fait, ils aimeraient tant ressembler ? N’est-ce pas eux, en fait, qui ont peur de se mettre à marcher ou à voler ou à être libre ?
    Ah ! Baudelaire ! Comme on ne cessera jamais de te remercier pour cet Albatros sauveur découvert, un après-midi morne, dans un livre qui tout à coup s’ouvrit sur un ciel infini !

    L’Albatros.

    Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
    Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
    Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
    Le navire glissant sur les gouffres amers.

    A peine les ont-ils déposés sur les planches,
    Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
    Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
    Comme des avirons traîner à côté d’eux.

    Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
    Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
    L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
    L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

    Le Poète est semblable au prince des nuées
    Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
    Exilé sur le sol au milieu des huées,
    Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

    Charles Baudelaire.



  • Un poème pour la journée. Le cimetière marin.

    I.

    Ce toit tranquille, où marchent des colombes
    Entre les pins palpite, entre les tombes ;
    Midi le juste y compose de feux
    La mer, la mer, toujours recommencée !
    O récompense après une pensée
    Qu’un long regard sur le calme des dieux !

    II.

    Quel pur travail de fins éclairs consume
    Maint diamant d’imperceptible écume,
    Et quelle paix semble se concevoir !
    Quand sur l’abîme un soleil se repose,
    Ouvrages purs d’une éternelle cause,
    Le Temps scintille et le Songe est savoir.


    Ce sont les deux premières strophes du Cimetière marin de Paul Valéry. Il y en a vingt-quatre au total. C’est bien aussi les longs poèmes. En les lisant, on a le temps de s’installer pour en profiter. On y plonge, on s’y enfouit et ensuite, on relève la tête et on regarde le monde qu’on voit alors autrement.
    Surtout celui-ci qui est si beau à évoquer tout ensemble à travers le prisme de ce cimetière surplombant la grande bleue et symbolisant l’éternité,
    la vie, « la vie est vaste » (strophe XII), « Le don de vivre a passé dans les fleurs » (strophe XV),
    le soleil brûlant de l’été, « Midi là-haut, Midi sans mouvement » (strophe XIII),
    et toujours toujours pour toujours
    le soleil, la mer, le vent, un livre de poésie.

    XXIV.

    Le vent se lève ! … il faut tenter de vivre !
    L’air immense ouvre et referme mon livre,
    La vague en poudre ose jaillir des rocs !
    Envolez-vous, pages tout éblouies !
    Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies
    Ce toit tranquille où picoraient des focs !